Freinet

Les grandes idées de la Pédagogie de Célestin Freinet
 À la recherche de méthodes naturelles d’apprentissage

Depuis le début, Freinet a cherché à relier les apprentissages scolaires aux besoins réels des enfants.

En 1934, à l’époque de la construction de son école de Vence, sa propre fille Madeleine est en âge d’apprendre à lire et à écrire. Au lieu de lui donner des leçons traditionnelles, il laisse l’enfant passer insensiblement de ses dessins commentés et de l’écriture des noms qu’elle connaît à l’invention de petites histoires.
Elle aborde sans difficulté la lecture des textes imprimés et prend possession de l’orthographe.

Freinet conserve tous ses essais puis il rédige, après la guerre, une brochure qu’il intitule « Méthode naturelle de lecture ».

Il montre ensuite que le même type d’évolution existe pour le dessin des enfants, depuis leurs premiers gribouillis jusqu’à des croquis très élaborés. La condition essentielle est de ne pas leur imposer de modèle, de les inciter à s’exprimer souvent en échangeant avec les autres.

Freinet généralise alors la démarche en montrant que le tâtonnement expérimental est à la base de tous les apprentissages.
Il préconise de favoriser la libre découverte, par les enfants, des grandes lois du langage et de la grammaire, des mathématiques, des sciences. Pour cela, il faut inciter à beaucoup expérimenter, observer, comparer, imaginer des théories, vérifier.

Cette démarche paraît moins rapide que les apprentissages systématiques, mais ce n’est qu’une apparence.
En se passionnant, les jeunes travaillent davantage et gardent un souvenir durable de leurs découvertes, alors que tant d’apprentissages mécaniques s’oublient rapidement. Surtout, une telle démarche développe la capacité de chercher, d’inventer, plutôt que de se contenter de reproduire. Et c’est cette capacité qui devient de plus en plus nécessaire dans le monde moderne.
La notion de tâtonnement expérimental est maintenant admise non seulement avec les jeunes enfants mais aussi avec les adolescents au cours des études secondaires et pour la formation des adultes.

 Quelques « gros mots » de la Pédagogie Freinet
• méthodes naturelles d’apprentissage
• tâtonnement expérimental
• texte libre, dessin libre
• conférence d’enfant
•correspondance, journal scolaire
• documentation
• Travail Individualisé et fichiers autocorrectifs
• Organisation coopérative
• responsabilité personnelle
• plan de travail
• Techniques de vie 

 

 Du dessin libre à l’art enfantin

Le projet éducatif de Freinet n’est pas de transformer les enfants en écrivains ou en artistes mais de leur donner la maîtrise de tous les moyens d’expression.

Comme sa femme Élise a une formation de graveur sur bois, il lui confie le soin de développer le sens artistique des enfants de son école.

Après la guerre, c’est elle qui initie les instituteurs du mouvement à une autre façon de faire peindre les élèves, sans les habituer à reproduire des modèles.

L’important est d’afficher les créations et d’en discuter, de les échanger avec d’autres.

COMPRENDRE PAR L’EXPÉRIENCE

Les enfants questionnent des personnes âgées parlant de la vie autrefois, des gens de métier (forgeron, marinier, garde-chasse), puis des spécialistes de la biologie (Jean Rostand), des volcans (Haroun Tazieff), des régions polaires (Paul-Émile Victor), etc…

Cette richesse incroyable de témoignages est éditée sous forme de disques (puis de cassettes), accompagnés de diapositives (puis d’un livret illustré).

 Du travail individualisé à la programmation

Pour Freinet, la démarche naturelle par tâtonnement expérimental doit être renforcée par des exercices plus systématiques qui assureront la pleine maîtrise.
On le voit avec les jeunes enfants qui s’exercent inlassablement en l’absence de toute contrainte. L’important est de ne pas commencer par ces exercices qui ne sont efficaces que pour consolider les découvertes.
Surtout, il faut permettre aux enfants de maîtriser leur progression sans être assujettis à un parcours unique et à un rythme imposé. C’est pour cette raison que Freinet est le premier à utiliser en France des fichiers auto correctifs permettant aux enfants de travailler à leur rythme en se corrigeant eux-mêmes.

 

Après la guerre, il publie, pour tous les niveaux de l’école primaire, des fichiers d’opérations, de problèmes, de géométrie, d’orthographe et de conjugaison. Des fiches-guides sont éditées pour faciliter les recherches en sciences, géographie, histoire. Pour répondre aux besoins des classes nombreuses où l’on voudrait éviter les déplacements fréquents pour changer de fiche de travail, sont créés des cahiers auto-correctifs personnels.
En 1962, les Américains parlent des premières machines à enseigner, dont certains annoncent qu’elles remplaceront les enseignants. Freinet n’a pas cette prétention mais pense qu’il faudrait approfondir la notion de programmation de certains apprentissages.

Conscient de la pauvreté des écoles, il recherche un matériel simple et met au point une boîte enseignante où l’on déroule, séquence après séquence, une bande programmée imprimée. Il estime que, grâce à cet outil, les enseignants, libérés de l’obsession des apprentissages, feront davantage confiance à l’expression libre et aux tâtonnements des enfants.

 Organisation coopérative de la classe…
… et responsabilité personnelle

Freinet veut remettre en question l’autorité absolue de l’enseignant, telle qu’il l’a connue dans sa jeunesse. Du haut de l’estrade sur laquelle trône son bureau, celui-ci est seul détenteur de la parole, sauf quand il demande une réponse aux questions qu’il pose. Tous les élèves doivent en même temps accomplir les rites scolaires : écouter le cours, lire le même texte, faire au même moment l’exercice imposé. En dehors des récréations, toute communication entre enfants est considérée comme bavardage ou copiage, donc interdite. La seule relation entre élèves est la compétition, matérialisée par le classement (et parfois symbolisée par la médaille d’honneur ou le bonnet d’âne). Freinet ne veut pas renoncer à son rôle d’adulte qui aide les plus jeunes de son expérience mais, abandonnant l’estrade, il s’installe au niveau des enfants, comme cela se passe dans la vie courante.

Des moments d’échanges sont institués (entretien du matin, présentation et choix du texte à imprimer, mise au point collective, comptes-rendus d’enquêtes ou de recherches personnelles).

 
 Individuellement, chaque élève prépare en début de semaine son plan de travail et on fera collectivement le bilan de ce qui aura été réalisé.
Des plannings permettent de vérifier si certains points du programme n’ont pas été trop négligés. Une plus grande souplesse encourage finalement à travailler davantage, en n’hésitant pas à consacrer du temps pour un travail passionnant, quitte à mettre les bouchées doubles pour les autres travaux nécessaires. Reste le problème de l’évaluation finale, généralement caractérisée par un examen global où les candidats jouent leur année à quitte ou double. Freinet conteste la validité des examens qui finissent par devenir l’objectif unique de l’enseignement. Sous le nom de brevets de spécialité, il propose des évaluations partielles mais rigoureuses que les élèves passent tout au long de leurs années de scolarité.Le refus de toucher au caractère tabou des examens a empêché d’approfondir et de généraliser une logique nouvelle de l’évaluation qui définirait les multiples capacités réelles de chaque jeune. Devant l’impasse actuelle de diplômes ne débouchant sur rien, il faudra bien un jour accepter la démarche proposée par Freinet.